Découvrons ensemble “Le Cri”, l’œuvre expressionniste emblématique du peintre norvégien Edvard Munch. Créé en 1893, ce tableau fascinant et troublant, dont il existe cinq versions, est un véritable symbole de l’angoisse moderne. Son analyse nous révèle une profondeur et une complexité captivantes. De son histoire à son message, en passant par son impact sur le mouvement artistique, plongeons dans l’univers de cette pièce d’art unique.
Edvard Munch : L’homme derrière Le Cri
Edvard Munch, né en Norvège en 1863, est reconnu comme l’un des précurseurs de l’expressionnisme, un mouvement artistique qui cherche à exprimer les émotions et les réactions subjectives plutôt que de représenter la réalité de manière objective.
Munch a connu une vie marquée par la maladie et la mort, des thèmes qui traversent régulièrement son œuvre. Sa constitution fragile, héritée dès sa naissance, et les nombreux drames familiaux qu’il a vécus ont fortement influencé sa peinture.
Son approche artistique, empreinte de pessimisme et d’angoisse, trouve sa source dans les philosophies de penseurs comme Arthur Schopenhauer et Friedrich Nietzsche. Munch cherche à dépeindre “les états d’âme les plus subtils”, traduisant ainsi ses obsessions et ses peurs à travers ses toiles.
Ses œuvres, dont “Le Cri”, sont le reflet de son âme tourmentée et de sa vision du monde. Elles traduisent une intense expression de l’angoisse humaine, ce qui fait de lui un peintre de l’âme et des émotions.
Si “Le Cri” est son tableau le plus célèbre, Munch a également réalisé d’autres œuvres majeures telles que “La Madone” ou encore “La Frise de la vie”.
Le Cri : Contexte historique et inspiration
1893 : L’année de création du Cri
Le tableau “Le Cri” est né en 1893, une année marquée par de nombreux changements. Durant cette période, la Norvège cherchait à se moderniser, suite à son indépendance en 1814 après une longue domination danoise. C’est aussi l’âge d’or du mouvement symboliste, qui s’appuie sur les métaphores et les allusions. Cette atmosphère a sans doute influencé Munch.
La création de l’œuvre a également coïncidé avec une phase personnelle très sombre de la vie de Munch, marquée par ses obsessions de la mort et de l’angoisse. Mais un épisode singulier aurait pu déclencher l’idée du “Cri”. En effet, durant l’hiver 1892, Munch, captivé par la vue des nuages flamboyants, de la ville et de l’eau bleu-noir à Nice, en France, a écrit un poème décrivant cette expérience, précurseur de l’œuvre à venir.
L’année 1893 a donc été cruciale pour la genèse du “Cri”, marquée par l’interaction entre les évolutions socioculturelles, les troubles personnels de l’artiste et son environnement immédiat.
La citation de Munch expliquant l’origine du Cri
Edvard Munch décrit l’origine du Cri dans son journal en 1892. En se promenant avec deux amis, il a été saisi par un coucher de soleil de couleur rouge sang. Ce spectacle naturel, mêlé à une sensation de crise d’angoisse existentielle, a provoqué chez lui un sentiment de cri infini qui traverse la nature. Cette expérience marquante a inspiré la création de son œuvre la plus célèbre. Il évoque une atmosphère oppressante et une nature déchaînée, où même les langues de feu du ciel semblent hurler de terreur.
Certains chercheurs associent ce ciel sanglant à l’éruption du volcan Krakatoa en 1883 qui aurait pu causer des crépuscules rougeoyants visibles jusqu’en Norvège. Cette interprétation renforce l’idée de l’angoisse face aux forces incontrôlables de la nature, un thème récurrent dans les œuvres de Munch.
Mort, maladie et angoisse : Les thèmes récurrents chez Munch
La présence récurrente de la mort, de la maladie et de l’angoisse dans l’œuvre de Munch est indissociable de son vécu personnel. Ces thèmes sombres émanent de son enfance marquée par la perte de ses proches et sa santé fragile. Des œuvres telles que “L’Enfant malade” témoignent de cette influence.
Munch utilise l’art pour explorer son ressenti face à ces réalités douloureuses. Il traduit ainsi ses peurs, ses tourments et les conséquences des drames qu’il a vécus. Le Cri, symbolisant l’angoisse existentielle, est l’expression parfaite de cette thématique.
La mort, la maladie et l’angoisse sont alors utilisées comme des outils pour exprimer une perception du monde tourmentée, débouchant sur des créations d’une intensité émotionnelle rare. Ces thèmes, bien que sombres, sont abordés de manière à susciter l’empathie et la réflexion chez le spectateur. C’est cette capacité à toucher l’âme humaine qui fait de Munch un maître de l’expressionnisme.
Le Cri : Analyse détaillée de l’œuvre
Lithographie ou peinture ? Les 5 versions du Cri
Edvard Munch a produit plusieurs versions de son œuvre emblématique, “Le Cri”, entre 1893 et 1917. En effet, cinq versions du tableau sont recensées : deux peintures, un pastel, une esquisse au crayon et une lithographie.
- La première version, réalisée en 1893, est une peinture à la tempera sur carton. Elle est la plus célèbre et se trouve à la Galerie Nationale d’Oslo.
- La même année, Munch crée une deuxième version au pastel.
- Une troisième version, considérée comme une esquisse au crayon, voit le jour en 1895.
- En 1910, il réalise une autre version à la peinture tempera sur carton.
- Enfin, la dernière version est une lithographie créée en 1910.
Chaque version présente des différences subtiles dans la composition, la couleur et la technique utilisée, reflétant l’évolution de l’artiste et de son expression artistique.
Dimension et technique de l’original
L’original du Cri mesure 91 cm de hauteur et 73,5 cm de largeur. Il est réalisé avec de la tempera et de l’huile sur carton. La tempera, également appelée détrempe, est une technique picturale qui consiste à mélanger des pigments avec un liant comme le jaune d’oeuf. Elle est connue pour sa durabilité et sa résistance à la lumière. Quant à l’huile, elle permet d’obtenir des effets de transparence et de superposition de couches de peinture, donnant à l’œuvre une profondeur et une intensité de couleur remarquables.
Concernant les dimensions, elles s’inscrivent dans le standard des œuvres de l’époque, permettant une appréciation optimale des détails à une distance de quelques mètres. Néanmoins, la taille de l’œuvre ne doit pas être confondue avec son impact visuel et émotionnel, qui transcende largement son format physique.
L’analyse des couleurs et formes dans Le Cri
Le Cri est un tableau emblématique qui se distingue par son utilisation audacieuse des couleurs et des formes pour transmettre des émotions fortes. En examinant de plus près, on peut observer comment Munch a utilisé ces éléments pour créer une œuvre d’art profondément expressive.
La palette de couleurs de l’œuvre est dominée par des teintes chaudes, dont le rouge, l’orange et le jaune. Ces couleurs vives et éclatantes semblent refléter l’état mental du personnage central, amplifiant le sentiment d’angoisse et de désespoir. Par ailleurs, l’utilisation du bleu dans l’arrière-plan offre un contraste saisissant, mettant en évidence le personnage central.
Les formes utilisées dans le tableau sont également notables. Munch a opté pour des lignes courbes pour représenter le paysage environnant, créant une sensation de mouvement et de tourbillon. Ce choix peut être interprété comme une représentation de l’état d’agitation interne du personnage.
Les formes du personnage principal sont également intéressantes. Le visage est déformé, accentuant l’expression de terreur. Le corps semble flotter, donnant une impression d’irréalité et d’isolement.
En utilisant ces couleurs et formes, Munch a réussi à créer une œuvre qui transcende son sujet pour toucher à des sentiments universels de peur et d’anxiété.
Quel est le message du tableau le Cri ?
Le tableau “Le Cri” de Munch porte en lui un message universel, traduisant une angoisse existentielle propre à l’homme moderne. L’image du personnage central, au visage déformé par un cri silencieux, est une métaphore du sentiment de solitude et de désespoir face à l’absurdité du monde. Les couleurs vives et les lignes tourmentées qui composent le paysage semblent danser avec l’anxiété humaine, créant une atmosphère de chaos et de confusion. Les formes ondulantes du décor évoquent un sentiment de vertige, comme si l’observateur était aspiré dans un vortex d’angoisse. Ainsi, “Le Cri” illustre le désarroi face à une réalité incompréhensible et effrayante.
Détournements et influence du Cri dans l’art moderne
L’influence du Cri sur l’art moderne est indéniable et s’étend bien au-delà des frontières de l’expressionnisme. Ce tableau iconique a inspiré et continue d’inspirer de nombreux artistes contemporains, qui ont détourné ou réinterprété l’œuvre de Munch à leur façon.
- Le peintre islandais Erro a par exemple réalisé une réinterprétation du Cri en 1967, illustrant l’impact de ce tableau sur l’art contemporain.
- Dans le monde du cinéma, le masque du personnage de Ghostface dans les films d’horreur Scream est clairement inspiré de la figure centrale du Cri.
- L’œuvre de Munch a aussi eu un impact significatif sur l’art-thérapie moderne, où elle sert d’outil pour aider les patients à explorer leurs émotions.
Ces exemples montrent l’impact durable du Cri sur l’art moderne, confirmant sa place en tant que symbole universel de l’angoisse humaine.
Comparaison entre Le Cri et les œuvres de Van Gogh
Le Cri d’Edvard Munch et les œuvres de Vincent Van Gogh sont souvent rapprochées pour leur intense expression émotionnelle. Ces artistes cherchaient à capturer l’âme humaine, mais leurs approches diffèrent.
- Van Gogh est connu pour sa technique de peinture en aplats de couleurs franches et son utilisation audacieuse de la couleur pour exprimer son émotion. Ses œuvres, comme “La Nuit étoilée”, sont pleines de mouvement et de vie, reflétant souvent son état d’agitation intérieure.
- Munch, quant à lui, utilise des couleurs vives mais son style est plus symbolique, suggérant plutôt que décrivant les émotions. Dans “Le Cri”, les lignes ondulantes et le visage déformé du personnage principal traduisent une angoisse existentielle profonde et universelle.
Cependant, il est intéressant de noter que malgré ces différences stylistiques, les deux peintres partagent une fascination pour l’exploration des thèmes émotionnels et psychologiques. En fin de compte, leur œuvre est le reflet de leur perception personnelle du monde, marquée par leur vécu et leurs tourments intérieurs.
Le message caché dans Le Cri : Interprétations et théories
L’homme au visage émacié : Qui est-il ?
L’homme au centre du tableau, au visage émacié et déformé par l’horreur, est une énigme. Sa nature androgyne, son expression d’épouvante et son apparence presque inhumaine ont fait l’objet de nombreuses interprétations. Certains suggèrent qu’il s’agit d’une [personne vivante ou morte], tandis que d’autres voient en lui une incarnation de l'[homme moderne] emporté par une crise d’angoisse existentielle.
L’historien de l’art Robert Rosemblum a avancé une hypothèse en 1978 : le personnage chauve et émacié pourrait avoir été inspiré par les momies du peuple péruvien Chachapoya, exposées lors de l'[Exposition universelle] de 1889 à Paris, où Munch résidait à cette époque. Cette théorie a été reprise par certains, qui y voient une [universalité de la crainte de la mort].
Toutefois, l’identité précise de cette figure reste inconnue, ajoutant une dimension mystérieuse à l’œuvre.
Pourquoi Le Cri a-t-il été peint ? La réponse de Munch
Le Cri de Munch est souvent perçu comme une représentation emblématique de l’angoisse existentielle. Pour comprendre pourquoi cette œuvre a été peinte, il est nécessaire d’explorer la vision de Munch lui-même. L’artiste était connu pour peindre en fonction de la subjectivité et du psychologique, reflétant souvent ses propres expériences et émotions.
Munch a peint Le Cri sous l’influence de ses propres angoisses et obsessions. Il était un homme torturé, qui a utilisé son art comme moyen d’expression de ses sentiments intérieurs. L’œuvre peut donc être perçue comme un autoportrait émotionnel, une fenêtre sur l’âme de l’artiste.
D’autres éléments ont également pu influencer la création du Cri. Certains suggèrent que Munch a pu être inspiré par une momie péruvienne exposée à l’Exposition universelle de Paris en 1889. Cette rencontre aurait pu influencer la représentation de la figure centrale de l’œuvre.
En somme, la décision de Munch de peindre Le Cri semble être le résultat d’une conjonction de facteurs : ses propres luttes intérieures, son orientation artistique vers l’expression de l’émotion et, possiblement, des influences externes issues de son environnement.
Le cri “infini” : un sentiment universel d’angoisse ?
Le cri “infini” dans l’œuvre de Munch peut être interprété comme une abstraction de l’angoisse humaine, une émotion universelle et intemporelle. Cette idée est renforcée par le fait que le tableau ne dépeint pas une scène spécifique, mais plutôt un sentiment, une émotion.
Le visage terrifié du personnage central, par sa déformation et sa teinte pâle, ainsi que le ciel cramoisi et le paysage tourbillonnant, contribuent à créer une atmosphère intense d’angoisse et de désespoir. Ces éléments visuels, combinés à l’utilisation audacieuse de la couleur et de la forme par Munch, traduisent une angoisse existentielle qui résonne avec tous.
La résonance émotionnelle universelle de l’œuvre est également soulignée par le fait qu’elle a été interprétée, réinterprétée, et utilisée dans de nombreux contextes depuis sa création, renforçant ainsi son statut de symbole universel de l’angoisse humaine.
Alors que l’interprétation précise du “Cri” peut varier selon les spectateurs, le sentiment d’angoisse qu’il évoque est universel, transcendant les barrières culturelles et temporelles pour toucher au cœur de la condition humaine.
Le prix du Cri et son parcours à travers les musées
“Le Cri” a une histoire intéressante tant sur le marché de l’art que dans les musées. Une des versions du tableau a été vendue aux enchères pour un montant record de 119,92 millions de dollars en 2012, ce qui en fait l’une des œuvres d’art les plus chères jamais vendues. C’est la seule des quatre versions de “Le Cri” qui n’est pas exposée dans un musée.
Quant au parcours du tableau dans les musées, il a d’abord été exposé dans différents musées en Norvège, pays natal de Munch. Notamment, le Musée Munch d’Oslo a été inauguré en 1963 et abrite une grande partie de l’œuvre de l’artiste. Le tableau a été temporairement retiré de l’exposition après une tentative de vol en 2004, mais il est de nouveau visible au public. Le Cri a également été exposé à l’étranger, comme au Musée d’Orsay à Paris ou Albertina Museum à Vienne.
Où voir le tableau original du Cri aujourd’hui ?
L’original du Cri de 1893 est exposé à la Galerie Nationale (Nasjonalgalleriet) d’Oslo, en Norvège. D’autres versions du tableau se trouvent également dans la même ville, plus précisément au Musée Munch (Munchmuseet).
- Le Musée Munch possède dans sa collection un pastel sur carton de 1893 et une tempera sur carton de 1910.
- Le Musée d’Orsay, à Paris, expose une lithographie et un dessin de l’œuvre.
Il est donc possible de découvrir ce chef-d’œuvre de l’expressionnisme dans ces différents lieux, chacun offrant une perspective unique sur l’œuvre de Munch.