Yto Barrada : l’art engagé entre Paris et Tanger
Yto Barrada, c’est une constellation. Une artiste qui brille simultanément sur plusieurs continents, traçant des lignes lumineuses entre Paris, New York et Tanger. Sa pratique artistique traverse les frontières comme elle traverse les médiums – photographie, cinéma, sculpture, textile – créant une œuvre aussi riche que les territoires qu’elle explore. Dans son jardin tinctorial de Tanger ou dans les plus grands musées du monde, elle tisse des récits où l’intime se mêle au politique, où les traditions ancestrales rencontrent les questionnements contemporains. Qui est vraiment cette artiste franco-marocaine choisie pour représenter la France à la Biennale de Venise 2026 ? Comment son regard unique transforme-t-il notre perception du monde ? Suivez-moi dans l’exploration de son univers.
Une artiste franco-marocaine sans frontières
Un matin de 2006, dans un ancien cinéma Art déco de Tanger, Yto Barrada transforme le rêve en réalité. La Cinémathèque naît, premier espace culturel du genre en Afrique du Nord. Cette audace caractérise parfaitement l’artiste, lauréate de l’Abraaj Prize et nommée Artist of the Year par la Deutsche Bank.
Sa pratique multidisciplinaire défie les catégories. Entre le Centre Pompidou et la Haus der Kunst, du MoMA à la Renaissance Society, elle tisse des liens entre les diverses communautés artistiques. Dans son jardin de plantes tinctoriales à Tanger, véritable laboratoire vivant, elle réinvente la transmission des savoirs traditionnels.
Chercheuse iconoclaste, elle explore les processus naturels et les récits historiques avec la même passion qu’elle met à questionner nos certitudes sur l’art et ses frontières.
L’image comme langage : photos et films
L’objectif, pour Yto Barrada, n’est pas une arme mais un pinceau. Dans ses séries photographiques sur le Détroit de Gibraltar, elle peint le portrait d’une ville suspendue entre deux mondes. Les corps attendent, les regards scrutent l’horizon, tandis que sa caméra capture ces instants de flottement avec une tendresse infinie.
Ses films, projetés du Museum of Modern Art au Jeu de Paume, racontent des histoires de résistance quotidienne. Une anecdote raconte qu’un jour, filmant un palmier menacé d’abattage à Tanger, elle a transformé cet acte de documentation en manifeste poétique. Chaque image devient un acte politique, chaque cadrage une déclaration silencieuse sur notre rapport au monde.
The Mothership : jardin de résistance
Sur les hauteurs du détroit de Gibraltar, The Mothership déploie ses terrasses verdoyantes. Plus qu’un simple jardin tinctorial, ce laboratoire à ciel ouvert réinvente notre rapport aux savoirs ancestraux. Les plantes qui y poussent racontent une histoire millénaire, celle des teintures naturelles que les artisans marocains ont longtemps maîtrisées.
Dans la maison des teintures, centre névralgique du lieu, artistes et botanistes expérimentent ensemble. Une résidente raconte avoir passé des heures à étudier les nuances subtiles d’un indigo obtenu d’une récolte matinale. The Mothership devient ainsi un espace où l’art, la science et l’écologie se rencontrent, où chaque fleur cultivée porte en elle une palette de possibles.
La Cinémathèque de Tanger : un héritage vivant
2007 marque un tournant dans l’histoire culturelle de la ville. Le vieux Cinéma Rif, joyau Art déco menacé de destruction, renaît sous l’impulsion d’Yto Barrada. L’artiste transforme ce lieu mythique en première cinémathèque d’Afrique du Nord, un espace où les films d’auteur côtoient les pépites du cinéma arabe.
Dans les archives de la cinémathèque, des affiches peintes à la main racontent l’âge d’or du septième art. La programmation mêle rétrospectives ambitieuses et projections pour les jeunes du quartier. Une spectatrice régulière raconte avoir découvert Kiarostami et Pasolini dans cette salle où ses parents regardaient autrefois des films de Bollywood.
La cinémathèque vit au rythme des festivals, des ateliers et des rencontres. Les pellicules précieusement conservées témoignent d’une histoire du cinéma vue depuis le sud de la Méditerranée.
Entre galeries et musées : une œuvre mondiale
Du MoMA PS1 à la Tate Modern, les œuvres d’Yto Barrada résonnent dans les plus prestigieuses institutions mondiales. Sa nomination pour représenter la France à la Biennale de Venise 2026 couronne un parcours jalonné de reconnaissance internationale. Le Prix Mario Merz et le Queen Sonja Print Award célèbrent une artiste qui transcende les frontières.
La Galerie Polaris à Paris, fidèle compagne de route depuis vingt ans, dialogue avec la Sfeir-Semler Gallery et Pace Gallery pour porter sa vision à travers le monde. Ses expositions transforment les espaces en laboratoires d’expérimentation où textiles, photographies et installations questionnent notre rapport au temps et à la mémoire. Une œuvre qui voyage de Harvard University au Witte de With, traçant une nouvelle utopie artistique entre Nord et Sud.